Publié le 21 janvier 2012 à 05h30 | Mis à jour le 21 janvier 2012 à 05h30
source web :http://www.cyberpresse.ca/le-droit/opinions/editoriaux/pierre-jury/201201/20/01-4487979-pipelines-dangereux.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4493308_article_POS2
Pipelines dangereux
Pierre Jury |
L'industrie pétrolière a besoin de pipelines pour transporter sa ressource rapidement et efficacement sur de longues distances. Et deux projets de ce genre ont fait la manchette au cours des derniers jours.
Le président Barack Obama a mis le holà sur le projet de pipeline Keystone, qui devait compléter un réseau d'approvisionnement entre l'Alberta et le Texas, un parcours de 2500 km, le tout à un coût de 7 milliards $. Cette décision du président des États-Unis n'est sans doute pas étrangère au fait que 2012 est une année électorale au sud du 49e parallèle. M. Obama a sans doute voulu éviter de perdre des votes dans plusieurs états que le pipeline devait traverser. Ce projet a fait l'objet d'une intense campagne de protestation, à la fois par des groupes environnementaux et citoyens, qui craignaient d'éventuels déversements qui pollueraient la nappe phréatique.
Le refus de cette semaine, qui n'a pas plu au premier ministre Stephen Harper, était cependant rédigé de manière à inviter le promoteur du projet, TransCanada Pipelines, à soumettre un autre tracé à une date ultérieure. Il ne s'agit donc pas d'une fin de non-recevoir sans lendemain.
Juste avant, un projet entièrement en sol canadien a aussi fait la manchette, celui baptisé Northern Gateway, qui doit relier l'Alberta et le terminal portuaire de Kitimat, en Colombie-Britannique. Il s'agit ici de bâtir un réseau de transport de gaz naturel et de pétrole brut sur 1177 km, à un coût de 3,5 milliards $.
Dans ce cas, le gouvernement craint d'éventuelles audiences sur les impacts environnementaux organisées par « des groupes d'environnementalistes et radicaux » qui pourraient « court-circuiter le système réglementaire pour faire avancer leur programme radical ». C'est du moins les mots qu'a utilisés le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, à propos des opposants au projet.
(Sans surprise, les conservateurs que représente M. Oliver n'ont rien à redire contre les multinationales tout aussi étrangères que ces honnis environnementalistes radicaux.)
Ce discours trahit bien les sentiments qui habitent le gouvernement conservateur à l'endroit de ceux qui s'opposent à eux. Cette attitude est décuplée parce que cela concerne l'industrie des sables bitumineux, que le premier ministre Stephen Harper défend avec énergie sur toutes les tribunes. Cette industrie, rappelons-le, est largement basée en Alberta, où les conservateurs ont de larges appuis électoraux.
Le gouvernement Harper souhaite aller de l'avant avec ce projet d'approvisionnement afin de développer de nouveaux marchés d'exportation pour notre pétrole. C'est le seul bon aspect de cette idée. Plus de 99 % de notre pétrole est exporté vers les États-Unis et commercialement parlant, il n'est pas sage d'être otage d'un seul acheteur.
Mais construire un pipeline est une entreprise risquée, car il s'agit de substances hautement inflammables et polluantes. Les accidents, quoiqu'en dise le promoteur Enbridge, sont nombreux. Par surcroît, le pipeline doit traverser des régions géographiques difficiles. Et le tout aboutit dans une région de la côte pacifique où le transport maritime des navires pétroliers fait l'objet d'un moratoire depuis 1972...
Les intérêts des conservateurs en faveur des pipelines qui doivent acheminer le pétrole bitumineux vers les marchés de raffinage et de distribution sont évidents : une fois en place, il sera bien plus difficile de contrer cette industrie aux conséquences environnementales controversées. Le pipeline est là, aussi bien s'en servir à pleine capacité, non ?, diront ses supporters.
Le Canada doit sevrer sa dépendance commerciale aux marchés américains. C'est la seule raison d'aller de l'avant avec l'étude des deux pipelines qui pourraient connecter l'Alberta et les marchés du Texas et de l'Asie. Mais, pour le moment, ces deux aventures sont jonchées de nombreux obstacles et s'ils étaient réalisés dans les conditions actuelles, annoncent des désastres environnementaux qui coûteront bien plus que les milliards de dollars que les marchés d'exportation nous font miroiter. Les études doivent se poursuivre pour arriver à de meilleures propositions qui n'évacueront pas toute perspective d'accident, bien sûr, mais qui les réduiront bien davantage que ne le font miroiter TransCanada Pipelines et Enbridge.
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