Suncor à Montréal: la survie passe par le pétrole de l'Alberta
Publié le 15 septembre 2010 à 06h34 | Mis à jour le 15 septembre 2010 à 06h39
Photo François Roy, La Presse
Suncor examine la possibilité de renverser le pipeline entre Sarnia, en Ontario, et Montréal pour approvisionner sa raffinerie en pétrole de l'Alberta, a fait savoir hier le président et chef de la direction de l'entreprise, Rick George.
LA PRESSE
Suncor examine la possibilité de renverser le pipeline entre Sarnia, en Ontario, et Montréal pour approvisionner sa raffinerie en pétrole de l'Alberta, a fait savoir hier le président et chef de la direction de l'entreprise, Rick George, en entrevue avec La Presse Affaires. «Ça nous aiderait beaucoup à garder la raffinerie», a-t-il dit.
Suncor n'a pas l'intention d'investir dans sa raffinerie de Montréal pour en augmenter la capacité, parce que le marché n'est pas en croissance au Canada.
«Nous ne voyons pas de croissance dans la vente d'automobiles et dans la demande pour l'essence, précise Rick George. Il y aura peut-être une faible augmentation pour le diesel et le carburant d'avion, mais pas pour l'essence, qui reste le principal produit d'une raffinerie. Et on n'investit pas pour accroître sa production dans un marché stagnant.»
Le pipeline dont le flot pourrait être renversé est un lien de 838 kilomètres entre Sarnia, en Ontario, et Montréal, par où peuvent transiter 240 000 barils de brut par jour. Il pourrait acheminer du brut de l'Alberta à Montréal, mais la raffinerie continuerait aussi de traiter du brut importé.
La raffinerie de Montréal est la seule des quatre raffineries de Suncor qui raffine uniquement du pétrole importé de la mer du Nord, le Brent, dont le prix sur le marché est de plus en plus souvent supérieur à celui du West Texas Intermediate (WTI), qui sert d'étalon au Canada.
C'est un problème pour la raffinerie de Montréal et ce n'est pas le seul, explique M. George.
À Montréal, les détaillants peuvent importer de l'essence et d'autres produits raffinés de l'Europe ou du Moyen-Orient, ce qui rend le marché très concurrentiel. «C'est bon pour les consommateurs, mais ça rend la rentabilité d'une raffinerie plus difficile.»
En plus, la fermeture prochaine de la raffinerie de Shell aura comme conséquence d'augmenter les coûts de production de la raffinerie de Suncor, confirme son grand patron.
Les deux raffineries partageaient les coûts de transport du brut importé par le pipeline Portland-Montréal et assuraient ensemble le coût du traitement de leurs résidus de raffinage confié à un sous-traitant, Marsulex.
La hausse des coûts qui suivra la fermeture de Shell n'est pas majeure, mais il faudra s'y attaquer, précise Rick George.
Malgré ces problèmes, le président de Suncor affirme qu'il n'est pas question de fermer la raffinerie de Montréal. Il s'agit d'une raffinerie qui dessert un bon réseau de vente au détail et qui est bien implantée dans son milieu, justifie-t-il.
Pas si sale
Le président et chef de la direction de Suncor était un des conférenciers au Congrès mondial de l'énergie. Il a profité de l'occasion pour défendre son industrie très controversée.
Le pétrole tiré des sables bitumineux n'est pas si sale qu'on veut le croire dans certains milieux, a-t-il assuré. La production de pétrole bitumineux émet plus de gaz à effet de serre (GES) que celle du pétrole conventionnel, reconnaît-il, mais pas de trois à cinq fois plus comme on l'a déjà affirmé.
En fait, selon lui, le pétrole importé de l'Arabie Saoudite est presque aussi polluant que celui de l'Alberta quand on tient compte de son transport sur de longues distances. Et le pétrole produit dans le sud de la Californie est plus polluant que celui issu des sables bitumineux, insiste-t-il.
De même, Rick George n'accepte pas de se faire dire que c'est à cause de l'industrie des sables bitumineux que le Canada accuse un retard dans la réduction de ses émissions de GES.
«Le Canada est responsable de 2% des émissions totales de GES et notre industrie est responsable de 5% des émissions canadiennes. Ce qui nous donne une part d'un dixième de 1% des émissions globales, soit une petite fraction de ce que produisent, entre autres, le secteur du transport et la production d'électricité à partir du charbon.»
Sans les attaquer directement, il condamne les politiciens américains comme Nancy Pelosi, leader démocrate au Congrès, qui est venue récemment faire la leçon aux Canadiens au sujet du pétrole tiré des sables bitumineux. «Les États-Unis produisent 60% de leur électricité à partir du charbon, ce qui est 10 fois plus polluant que notre industrie», souligne-t-il.
Malgré les boycottages de plus en plus fréquents venus du sud de la frontière, le président de Suncor estime que les Américains continueront d'acheter du pétrole canadien, d'abord parce qu'ils en consomment beaucoup, et ensuite parce que le Canada est une démocratie avec une économie ouverte et un encadrement réglementaire qui force l'industrie à améliorer son bilan environnemental.
SUNCOR
Capacité de raffinage
Edmonton
135000 barils/jour
Montréal
130000 barils/jour
Denver
93 000 barils/jour
Sarnia
85 000 barils/jour