Le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier
(SCEP) et les approbations de l’Office national de l’énergie accordées
aux projets de pipeline
Il y a un peu plus de cinq ans, l’industrie pétrolière a entrepris un vaste plan de restructuration de l’infrastructure nord-américaine de pétrole et de gaz pour accommoder une expansion draconienne de la production des sables bitumineux. En vertu de ce plan, pratiquement toutes les ressources des sables bitumineux seraient dédiées aux marchés de l’exportation, et à un degré toujours plus élevé, le développement économique et les gains en matière d’emplois associés à la valorisation et au traitement de ces ressources auraient lieu aux États-Unis.
Pour faciliter cette expansion de la capacité d’exportation, les deux plus grandes sociétés de pipelines au Canada, TransCanada Pipeline (TCPL) et Enbridge, ont cherché à obtenir des approbations de l’Office national de l’énergie (ONE) pour plusieurs projets très importants de pipelines d’exportation. Dans chaque cas, l’ONE a accepté rapidement d’émettre les autorisations demandées sans tenir compte des incidences de cette expansion rapide sur l’environnement ou sur l’économie énergétique du pays.
Projet Keystone I (2006) TCPL a converti 860 km de son principal gazoduc qui fournissait la distribution de gaz à l’Ontario, mais sera maintenant utilisé pour les exportations de pétrole
vers les États-Unis. Projet Keystone II (2007) Il s’agissait de la première expansion majeure de l’infrastructure d’exportation du pétrole (590 000 b/j) pour faciliter des flux accrus de produits des sables bitumineux vers les marchés américains.
Projet Southern Lights (2007) Ce projet d’Enbridge est la clé de voûte du modèle de développement de l’exportation
parce qu’il va fournir les diluants nécessaires pour faciliter l’exportation à grande
échelle des ressources non traitées extraites des sables bitumineux (bitume).
Contrairement aux autres projets de pipeline, le projet de diluants n’a d’autres fins
que d’amorcer un système d’exportation en boucle du bitume pouvant acheminer
600 000 b/j de mélanges de bitume aux marchés américains.
Projet Alberta Clipper (2007) Cet autre projet d’Enbridge prévoit un nouveau pipeline à partir des sables
bitumineux jusqu’au Midwest américain, qui pourra acheminer 800 000 b/j
de produits extraits des sables bitumineux vers les marchés américains.
Projet Keystone XL (2009) Il s’agit du plus vaste projet de pipeline d’exportation en termes de longueur
(3 456 km) et de capacité (900 000 b/j).
Projet Northern Gateway Cet autre projet d’Enbridge implique la construction de deux pipelines reliant
l’Alberta à Kitimat, en Colombie-Britannique. Le pipeline ouest-est acheminerait
des diluants à l’Alberta, tandis que le pipeline est-ouest exporterait 525 000 b/j
de mélanges de bitume vers les marchés américains et asiatiques.
Avec l’exception du projet Northern Gateway, l’ONE n’a eu aucune hésitation à approuver chacun de ces projets
de construction de pipelines. Avec le projet Northern Gateway, l’infrastructure de pipelines d’exportation va faciliter
une expansion de 300 % des sables bitumineux.
Project (en cours)
Les pipelines d’exportation canadiens actuels peuvent acheminer 1,5 million b/j de production des sables bitumineux
vers les marchés américains. Alors que les exportations de pétrole provenant de sources conventionnelles sont censées
baisser dans les prochaines années, cette nouvelle infrastructure d’oléoducs va faciliter une croissance de la production
des sables bitumineux de 1,6 million à près de 5 millions b/j dans la prochaine décennie.
Il est évident qu’une telle expansion des sables bitumineux aurait des incidences énormes sur l’écosystème nord-
américain de l’Alberta et des communautés situées dans la région. Et cela annulerait pratiquement toute possibilité
pour le Canada de rencontrer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Mis à part les impacts d’une telle expansion rapide et non viable des sables bitumineux, ces projets vont étendre
l’infrastructure d’exportation du pétrole tout en ignorant complètement les besoins des marchés canadiens, qui restent dépendants des importations de pétrole à l’étranger. Il est très clair que le plan de l’industrie est aussi d’augmenter considérablement la proportion absolue et relative des ressources canadiennes des sables bitumineux qui vont partir du Canada pour être valorisées et traitées ailleurs. Les victimes de ce modèle d’exportation sont la sécurité énergétique canadienne et le potentiel d’établir une industrie pétrolière et gazière diversifiée et durable pour le Canada.
Le potentiel perdu en matière d’économie, de création d’emplois et de développement est illustré dans un rapport préparé par Informetrica, qui a estimé que, seulement en lien avec le projet Keystone II – alors évalué à 435 000 b/j –, le traitement intérieur de ce volume de bitume créerait 18 000 autres emplois par année (directs, indirects et induits) dans l’économie canadienne par rapport à un scénario dans lequel seulement le pétrole brut lourd non raffiné est exporté aux marchés américains. Mais conformément à l’approche de laissez faire de l’ONE, il était hésitant à accorder même un peu d’attention aux énormes incidences économiques. Il est assez évident que les projets d’expansion de l’industrie soulèvent des questions fondamentales à propos de la forme et des objectifs du développement du secteur pétrolier canadien. Malheureusement, en dépit de son mandat de prendre en considération l’intérêt du public, la manière dont l’Office a mené les récentes audiences sur les projets de pipelines
démontre un déni virtuel de cette responsabilité fondamentale. Ce manque est encore plus apparent du mépris de l’Office à l’endroit des questions essentielles concernant les incidences de ces projets de pipelines sur l’environnement, les emplois et l’économie pétrolière et gazière du Canada.
Aux problèmes surgissant en raison de l’approche de laissez faire de l’Office à l’égard de la réglementation des projets de pipeline, s’ajoute le fait qu’il se dégage de son obligation d’assurer que les exportations de pétrole et de gaz se fassent seulement si un excédent se présente après que les besoins raisonnables prévisibles du Canada aient été satisfaits. Depuis le milieu des années 1980, l’Office a exercé son pouvoir d’attribution de permis d’exportation en adoptant cette approche
libérale, ainsi maintenant toutes les exportations de pétrole ont lieu en fonction de permis de courte durée, ce qui signifie que les autorisations sont accordées sans avis public ou prise en considération des impacts sur la sécurité énergétique canadienne. De plus, en vertu de l’ALENA, les permis doivent être renouvelés et, par conséquent, ne portent que le titre de « courte durée ».
Croissance à court et à moyen terme de la capacité d’exportation
Projet Capacité initiale (b/j) Capacité possible
Keystone I et II 435,000 590,000
Southern Lights
(remplacement de capacité) 186,000 186,000
Alberta Clipper 450,000 800,000
Keystone XL 700,000 900,000
Northern Gateway 525,000 525,000
Total 2,296,000 3,001,000
En raison des conséquences directes et profondes des projets de l’industrie, et nonobstant les faibles probabilités de succès, le SCEP est intervenu comme tierce partie à plusieurs audiences de l’ONE sur les projets de pipelines et a présenté des preuves d’experts pour faire valoir ses points de vue. Lorsque l’Office a néanmoins approuvé le projet sans discussion, le SCEP a réclamé du gouvernement fédéral qu’il refuse l’autorisation du projet de pipeline. Lorsque cet effort a échoué, le SCEP a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de l’Office auprès de la cour fédérale.
À chaque occasion, les demandes du SCEP ont été rejetées. Parfois, les enjeux sont tellement élevés qu’il importe peu que les chances de gagner soient faibles. Il est aussi très évident que le développement des sables bitumineux a un impact profond sur l’économie canadienne et l’environnement. En outre, pour un pays nordique, la sécurité énergétique doit toujours rester une priorité élevée.
Par conséquent, il est vital que les gouvernements canadiens et les organismes de réglementation gèrent les ressources publiques d’une manière responsable et durable, de sorte que les besoins canadiens soient considérés en priorité par rapport à ceux de nos partenaires commerciaux. Il est essentiel que les Canadiens exercent des pressions significatives auprès du gouvernement fédéral en vue de réformer un système qui a abandonné totalement l’intérêt du public à l’égard de la ressource naturelle la plus stratégique et la plus problématique du Canada.
Préparé par Steven Shrybman
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