lundi 29 novembre 2010

Stephen Harper fait du lobbying pour les pétrolières du bitumineux

Publié le 29 novembre 2010 à 06h40 Mis à jour à 11h01
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Sables bitumineux: le lobbyisme d'Ottawa contraire à l'avis d'Environnement Canada

Ajoutée à la fin du processus d'adoption de la loi américaine sur les combustibles propres, la section 526 prévoit qu'il est illégal pour le gouvernement des États-Unis d'acheter, par contrat, du carburant alternatif dont la production émettrait davantage de gaz à effet de serre que le carburant classique.


Malorie BeaucheminLa Presse

(Ottawa) La croisade d'Ottawa pour réduire la portée de la loi américaine sur les combustibles propres, laquelle pourrait nuire à l'industrie canadienne des sables bitumineux, était planifiée, concertée et coordonnée, et ce, contre l'avis de fonctionnaires d'Environnement Canada.
C'est ce que révèlent des documents obtenus par des groupes environnementalistes en vertu de la Loi d'accès à l'information, et que La Presse a obtenus.

Une série de courriels échangés entre fonctionnaires des Affaires étrangères, de l'ambassade canadienne à Washington, de l'industrie pétrolière et du ministère de l'Environnement, à l'hiver 2008, démontre comment a été conçue la stratégie adoptée par Ottawa pour s'assurer que la section 526 de la Loi sur la sécurité et l'indépendance énergétiques des États-Unis, adoptée en 2007, ne s'applique pas au pétrole issu des sables bitumineux.

«Puisque la section 526 pourrait avoir un impact négatif sur l'exportation des sables bitumineux aux États-Unis, il est nécessaire d'élaborer une position canadienne à communiquer aux hauts responsables américains», écrit une responsable du ministère des Affaires étrangères.

Ajoutée à la fin du processus d'adoption de la Loi, la section 526 prévoit qu'il est illégal pour le gouvernement américain d'acheter, par contrat, du carburant alternatif dont la production émettrait davantage de gaz à effet de serre (GES) que le carburant classique. Ainsi, l'armée américaine ou les services postaux ne pourraient théoriquement plus acheter le pétrole issu des sables bitumineux, puisque celui-ci crée de trois à cinq fois plus d'émissions de GES.

Les discussions entre fonctionnaires portent notamment sur une lettre à écrire aux autorités américaines pour les inciter à exclure les sables bitumineux de la portée de la section 526.
Or, on y découvre que les fonctionnaires canadiens de l'ambassade, responsables de la lettre, ont sciemment ignoré les opinions de fonctionnaires d'Environnement Canada.

Lorsque la directrice générale de la division pétrole, gaz et énergie de remplacement d'Environnement Canada, Helen Ryan, a exprimé des réserves sur la stratégie offensive du gouvernement canadien en faveur des sables bitumineux, ses arguments ont catégoriquement été rejetés.

«Dans notre esprit, plus il y a de la pression qui s'accumule sur l'industrie des sables bitumineux pour qu'elle installe des mécanismes de capture et stockage du carbone, mieux c'est, explique Mme Ryan dans un courriel daté du 18 février 2008. En d'autres mots, dans une perspective strictement environnementale, on devrait soutenir une interprétation plus large du concept de «carburant alternatif» dans la section 526.»

«C'est tout simplement cinglé», écrit dans un courriel subséquent Paul Connors, alors conseiller en énergie à l'ambassade du Canada à Washington.
Tout au plus, certaines des corrections factuelles apportées par Environnement Canada à la lettre sont prises en considération dans la version finale, notamment qu'il est faux d'affirmer, comme le font les fonctionnaires dans la lettre, que le Canada a adopté des cibles obligatoires contraignantes, ce qu'Ottawa n'a d'ailleurs toujours pas fait en 2010.

Dans un autre courriel, M. Connors encourage les responsables de la société pétrolière Exxon Mobil à «faire connaître leur position» au gouvernement américain dans ce dossier.
La première version de la lettre adressée au département de l'Énergie américain comprend aussi des menaces à peine voilées de représailles en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ce à quoi se sont opposés des conseillers juridiques du ministère des Affaires étrangères. La version finale ne contient finalement qu'une allusion à l'ALENA rappelant les liens économiques étroits qui unissent le Canada et les États-Unis.

Pour Clare Demerse, directrice associée pour le programme des changements climatiques à l'Institut Pembina, qui a obtenu ces documents, le contenu de ces échanges démontre que le Canada a fait le pari d'orchestrer une campagne de relations publiques plutôt que d'insister pour que l'industrie améliore ses performances environnementales.

«Le gouvernement du Canada aime dire qu'il harmonise ses politiques avec celles des États-Unis, note l'environnementaliste. Mais dans ce cas, l'harmonisation semble vouloir dire travailler avec l'administration Bush et les sociétés pétrolières, comme Exxon, pour tenter d'abroger une politique américaine d'énergie propre.»

«À la lecture de ces documents, ce qui me frappe, c'est que pas une seule personne au ministère des Affaires étrangères reconnaît que la réduction de la pollution causée par les gaz à effet de serre pourrait être une bonne chose», conclut-elle.

Près de trois ans après la conception de cette stratégie de lobbyisme, le Canada bénéficie d'un répit dans l'application de la section 526, puisque l'interprétation de cette partie de la Loi sur la sécurité et l'indépendance énergétiques a été amenée devant les tribunaux américains, qui étudient toujours la question.

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