Publié le 04 août 2010 à 06h51 | Mis à jour le 04 août 2010 à 06h59
Raffinerie Shell: les employés ont perdu espoir
Louise Leduc |
Après des mois d'espoirs déçus, les 800 employés de Shell se rendent à l'évidence. Sauf pour une poignée d'entre eux, le 30 novembre, c'en sera fini.
«À trois ou quatre reprises, on a eu quelques espoirs, mais moi, ça fait un bout de temps que je ne croyais plus au miracle», a dit hier Steven, qui travaille depuis 12 ans à la raffinerie de Montréal-Est.
À la fin d'une autre journée difficile pour le moral, il a conclu que «les grosses compagnies comme Shell, c'est plus gros que les gouvernements, qui ont, eux, des moyens bien limités».
«Je ne veux plus rien savoir du secteur industriel, a-t-il poursuivi. Je pense faire un changement de cap radical. M'orienter vers les services, devenir vendeur de téléphones cellulaires, tiens! En tout cas, ça change mes plans. Moi qui voulais fonder une famille...»
«Moi, je commence à envisager sérieusement de m'en aller dans l'ouest du Canada, a dit pour sa part Sabino Dhepaganon. Là-bas, il y a plein d'ouvrage. En même temps, à 49 ans et avec un enfant de 4 ans, ce n'est pas facile de prendre la décision de s'expatrier...»
M. Dhepaganon connaît le tabac. S'il s'est retrouvé chez Shell, c'est que, en 2008, il a perdu son emploi à Pétromont, qui a aussi fermé ses portes. «C'est sûr qu'aujourd'hui, tout le monde a la mine basse et que bien des gens sont en câl...» a-t-il dit.
Il leur est d'autant plus difficile d'envisager la suite des choses qu'ils avaient un très bon salaire, de 70 000$ à 100 000$, sans compter les heures supplémentaires, nous ont dit les employés. Où retrouver de telles conditions, en 2010?
«C'est pour les plus jeunes que c'est le plus difficile, dit André Méthot, qui travaille pour Shell depuis 31 ans.
C'est dur d'un point de vue personnel, et c'est dur à l'échelle de toute une partie de la ville, a-t-il fait remarquer. L'est de Montréal en prend pour son grade depuis plusieurs années. «Je me souviens de cette époque, dans les années 70, où de jeunes pères de famille se félicitaient d'avoir de bons emplois qui étaient déjà payés à plus de 10$ l'heure. De plus, dans le temps, les loyers, dans l'Est, ne coûtaient presque rien. Depuis, il y a eu la fermeture de la Canadian Vickers (qui faisait dans la construction de bateaux et d'avions), puis celles de Texaco et d'Esso, et maintenant de Shell.»
C'est difficile, a-t-il souligné, de continuer d'avoir le coeur à l'ouvrage. «C'est tout l'un ou tout l'autre, a-t-il dit. Soit les gens expriment leur colère, soit ils ne disent pas un mot et restent dans leur coin.»
Chacun avait sa théorie, hier, sur les raisons de la fermeture. Mondialisation, coûts de production moindres ailleurs, détermination de Shell à faire dérailler la vente de ses installations pour ne pas laisser Delek la concurrencer.
Jean-Marc Duval, ex-employé à la retraite de Shell devenu fournisseur, croit quant à lui que les raisons sont ailleurs. «C'est triste, c'est le contexte: les normes antipollution sont devenues très sévères.»
Outre les 800 salariés de Shell, quelque 3500 emplois indirects risquent d'être touchés par la conversion de la raffinerie en simple terminal d'importation.
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