Les pipelines de BP en Alaska inquiètent de plus en plus
C’est ce que l’on appelle ne pas retenir les leçons de ses erreurs. Un peu plus de six mois après l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon et le tourbillon qui a noirci pour longtemps l’image de BP, un document interne montre que les installations pétrolières de ce même groupe en Alaska sont dans un état plus que douteux…
Ce n’est pas la première alerte effectuée à ce sujet, puisque dès le mois de juin dernier son oléoduc Trans-Alaska avait été provisoirement fermé en raison de fuites de brut. Les dernières révélations mises à jour par l’agence d’information indépendante ProPublica jettent un nouveau froid et montrent un délabrement général de l’état des infrastructures du groupe anglo-américain en Alaska, preuves à l’appui.
Accumulation de manques
Elle s’est en effet procurée un rapport de maintenance interne, daté du 1er octobre dernier, qui montre qu’au moins 148 pipelines de l’entreprise obtenaient la note « F ». Selon la nomenclature de BP, cela signifie que les inspections ont montré qu’au moins 80% de ces infrastructures, qui s’étirent sur quelque 1 600 miles (2 575 kilomètres), sont rouillées et menacent d’un instant à l’autre de rompre. Ceci est d’autant plus effrayant qu’elles transportent pour la plupart des substances toxiques ou fortement inflammables, et que la moindre fuite est à même de provoquer undésastre écologique sans précédent en terre arctique, un écosystème particulièrement fragile.
Certains employés ont même pris des photos l’été dernier de ces pipelines incriminés dans la baie de Prudhoe, et elles montrent des tuyaux, au choix : à moitié enfouis dans le permafrost, raccommodés « avec des centaines de rustines » selon Marc Kovac, mécanicien chez BP, méchamment rouillés voire défoncés. D’autres employés signalent de leur côté des pipelines « modifiés pour fonctionner à des niveaux plus élevés de pression et à des températures plus importantes que ceux pour lesquels ils étaient originellement conçus ».
Autre symptôme (parmi beaucoup d’autres) de problèmes profonds sur le terrain : BPavait fait en 2001 une priorité du remplacement des systèmes d’alerte, qui avertissent les travailleurs lors d’une fuite de gaz et d’éventuelles explosions. Neuf ans plus tard, ces équipements obsolètes sont pourtant toujours en place. Plus grave encore, ils doivent même être éteints lorsque BP mène des opérations de maintenance sur les pipelines, car les méthodes utilisées pour trouver des fuites déclenchent automatiquement les détecteurs à ultraviolets qui allument les alarmes contre le feu et les fuites de gaz…
BP se veut rassurant
Du côté de BP, dont les ambitions arctiques sont connues de longue date, on préfère afficher un visage rassurant. Dans un e-mail, un porte-parole de la branche alaskienne du groupe, Steve Rinehart, déclare que sa compagnie a mis en place « un programme d’inspection et de maintenance des pipelines à la fois agressif et détaillé » dans lequel « des millions de dollars ont été investis ». Toujours pour minimiser l’impact de ce rapport, il explique que des pipelines avec un pourcentage inférieur de dégradation pouvaient malgré tout obtenir cette note, en raison du caractère justement sensible de la zone arctique dans laquelle ils sont installés. Dans un dernier temps, il déclare que « nous ne ferons pas fonctionner des équipements que nous considérons comme non sécurisés ».
Difficile pourtant de s’arrêter à cette seule parole officielle quand on sait que l’Alaska, dont les côtes ont déjà été souillées par l’Exxon Valdez, a également connu deux importantes fuites en 2006, déjà sur des installations BP, et que des centaines de millions de dollars ont depuis été investis pour la rénovation des pipelines – sans réelle incidence visiblement. M. Rinehart signale de son côté que BP a réussi à « diminuer de 42% les problèmes liés à la corrosion ou à l’érosion entre 2006 et 2009 ». Ceci étant dit, d’autres voix au sein de l’entreprise admettent en off qu’au vu du rythme d’exploitation du pétrole alaskien par ses services, le remplacement complet du pipeline Trans-Alaska, dont personne n’ignorerait en interne l’état véritable, prendrait au moins une vingtaine d’années. En Arctique, la guerre du pétrole en formation promet d’inquiéter les protecteurs de l’environnement pendant de longues décennies.
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