mercredi 31 mars 2010

Rappel sur le Mémoire d'Equiterre sur la station de pompage à Dunham déposé à la CPATQ

UNE STATION DE POMPAGE SUR LE

PIPELINE MONTRÉAL – PORTLAND À DUNHAM

UNE MENACE INACCEPTABLE POUR

L’INTÉGRITÉ DE L’ENVIRONNEMENT

ET DU POTENTIEL AGRICOLE DE DUNHAM

FÉVRIER 2009

TABLE DES MATIÈRES

1. LA MISSION D’ÉQUITERRE....................................................................3

2. POSITION D’EQUITERRE SUR LE PROJET D’UNE STATION DE

POMPAGE À DUNHAM..................................................................................3

3. LE PROJET ET LA PROTECTION DES TERRES ET DES ACTIVITES

AGRICOLES....................................................................................................4

3.1. Équiterre et l’essor de l’agriculture biologique au Québec.........4

3.2. La localisation de la station de pompage......................................5

3.3. La protection du potentiel agricole et des activités agricoles.....6

3.4. Les risques d’accident....................................................................8

4. CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET AGRICULTURE..........................12

5. CONCLUSION........................................................................................16

RÉFÉRENCES..............................................................................................17


1. LA MISSION D’ÉQUITERRE

Équiterre s’est donné pour mission de contribuer à bâtir un mouvement de

société en incitant citoyens, organisations et gouvernements à faire des choix

écologiques, équitables et solidaires. À travers ses cinq champs d’intervention —

agriculture écologique, commerce équitable, transport écologique, efficacité

énergétique et changements climatiques — l’organisme a développé des projets

qui permettent aux citoyens, aux organisations et aux gouvernements de poser

des gestes concrets qui auront une incidence positive sur l’environnement et la

société. Pour appuyer ses interventions, Équiterre développe constamment son

expertise en se basant sur les plus récents développements dans ses domaines

d’intervention.

Équiterre a été fondé en 1993 par un groupe de jeunes qui ont participé au

Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. En 2007, il comptait plus de 3 500

membres répartis dans toutes les régions du Québec. La force de travail du

groupe est partagée entre près de 45 employées et employés, de nombreux

stagiaires (26 en 2007) et bénévoles (208 en 2007). Équiterre a des bureaux à

Montréal et Québec.

2. POSITION D’EQUITERRE SUR LE PROJET D’UNE STATION

DE POMPAGE À DUNHAM

Équiterre s’oppose à la construction et à l’exploitation d’une station de

pompage sur le pipeline Montréal – Portland (ci-après le PLMP) pour les

raisons suivantes :

1 – Ce projet entraînerait la perte d’une parcelle de terre agricole au potentiel

appréciable pour le secteur et qu’une partie de la population de Dunham souhaite

conserver et exploiter.

2 - L’exploitation d’une telle station et le transport de pétrole à haute teneur en

soufre dans des équipements qui datent de plus de 65 ans représentent des

risques de ruptures, de déversements et de fuites qui sont inacceptables pour

l’environnement et l’intégrité du territoire agricole.

3 – Le Québec se doit d’interdire l’importation et le raffinage ou le transit de

pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta sur son territoire. Ce faisant, il

éviterait d’encourager l’exploitation de ce pétrole qui alourdit considérablement le

bilan canadien d’émissions de gaz à effet de serre et qui entraîne de graves

conséquences environnementales. Il favoriserait finalement des choix collectifs

axés sur la lutte aux changements climatiques et la protection de son agriculture,

ce qui serait cohérent avec les politiques adoptées en ces domaines par le

gouvernement du Québec.

3. LE PROJET ET LA PROTECTION DES TERRES ET DES

ACTIVITÉS AGRICOLES

3.1. Équiterre et l’essor de l’agriculture biologique au Québec

Équiterre fait la promotion d’une agriculture locale et biologique, et milite pour la

souveraineté alimentaire au nom du droit des peuples à l’alimentation. Depuis 12

ans, Équiterre assure le développement de l’Agriculture soutenue par la

communauté au Québec. D’une expérience pilote en 1995 (Ferme Cadet-

Roussel, à Mont Saint-Grégoire, en Montérégie), un réseau est né, s’est

structuré, a formulé ses principes, sa vision, ses objectifs et rôles.

En 2007, le réseau de l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC) comptait

presque 100 fermiers de famille qui ont offert le fruit de leur récolte ou de leur

élevage en lien direct à près de 33 000 citoyens alors que plus de 30 autres

offrent des produits qui peuvent être ajoutés en commandes additionnelles (ex. :

miel, produits de la pomme, fromages, etc.). Près de 350 points de chute sont

établis à travers 13 régions du Québec.

Dans la région de l’Estrie, le réseau de l’ASC compte dans ses rangs Les Jardins

de Tessa à Frelighsburg, Les Jardins de la Grelinette à St-Armand et Les Fermes

le Duchay à Stanbridge East. Des points de chute des paniers sont offerts à

Frelighsburg, Cowansville et St-Armand.

Au cours de ces années, Équiterre a documenté les impacts de cette formule et

son évolution ici et ailleurs. En somme, Équiterre y joue le rôle d’agent de

rencontre entre les citoyens-mangeurs et les citoyens producteurs. À ce titre,

Équiterre s’assure de recruter autant les agriculteurs que les mangeurs, et ce, de

différentes façons. Comme leurs revenus en dépendent et que la demande

excède nettement l’offre, Équiterre s’assure aussi d’accompagner, de soutenir et

d’animer les fermes du réseau. Equiterre débute pour une troisième fois

l’élaboration d’un plan stratégique devant orienter ses efforts au cours des quatre

prochaines années.

En plus de coordonner le plus grand réseau d’Agriculture soutenue par la

communauté au monde, Équiterre travaille à la création de liens

d’approvisionnement écologiques et solidaires dans les établissements publics

(écoles, garderies, hôpitaux) et dans les cuisines collectives. Depuis 2006, il fait

également la promotion d’alternatives à l’usage de pesticides en horticulture.

Par ailleurs, Équiterre s’implique dans le milieu alimentaire et agricole québécois

comme membre de la Coalition pour la protection du territoire agricole mis sur

pied par l’UPA; en siégeant au conseil d’administration de Solidarité rurale du

Québec; en étant un partenaire fondateur de la Coalition pour la souveraineté

alimentaire; en collaborant ponctuellement avec d’autres organismes partageant

des préoccupations communes en ces domaines.

Dans la perspective de la vision d’Équiterre de mettre en valeur l’agriculture

québécoise et les liens de solidarité entre les citoyens-mangeurs et les

producteurs agricoles, Équiterre désire faire valoir à la Commission les éléments

d’analyse suivants sur le dossier de la station de pompage proposée.

3.2. La localisation de la station de pompage

Équiterre est d’avis que le promoteur n’a pas fait la démonstration que la

fenêtre hydraulique retenue est la seule possible. Le promoteur ne semble

pas avoir analysé d’autres alternatives en fonction de changements aux

paramètres techniques du projet, notamment le nombre de pompes et leur

puissance et les volumes de pétrole transportés.

Ainsi, les informations déposées auprès de la Commission de protection du

territoire du Québec (ci- après la CPTAQ) en appui de la demande d’autorisation

de Pipe-Lines Montréal ltée ne permettent pas de comprendre la justification du

choix du site retenu pour la station de pompage.

o En effet, rien dans l’information déposée au dossier de la CPTAQ ne

permet de comprendre le choix de la fenêtre hydraulique de 3,5 km de

longueur présentée à la figure 2.1 du rapport du Groupe Conseil UDA inc1.

La CPTAQ, dans son document d’orientation préliminaire (page 4) mentionne :

«Aussi, elle convient que l’endroit choisi représente l’espace qui génère le

moins d’impact eu égard à la protection du territoire et des activités agricoles,

compte tenu des paramètres techniques à respecter.»

Or, force est de constater que ces paramètres techniques se limitent à la seule

assertion de la part de Pipe-Lines Montréal ltée que la fenêtre hydraulique

présentée est la seule possible.

Compte tenu des enjeux de protection et de mise en valeur du terroir particulier

que constitue la zone agrotouristique de Dunham, Équiterre est d’avis que la

CPTAQ devrait exiger du promoteur qu’il fasse la démonstration qu’il a analysé

d’autres options de fenêtres hydrauliques selon diverses technologies et

paramètres techniques, et que la fenêtre hydraulique retenue est la seule

possible. Si la CPTAQ désire octroyer l’autorisation demandée par le

promoteur, elle doit obtenir l’assurance qu’aucun autre emplacement, hors du

territoire agricole, ne peut être considéré pour ce projet.

3.3. La protection du potentiel agricole et des activités agricoles

Équiterre est d’avis que la protection et la mise en valeur du territoire et des

activités agricoles de la municipalité de Dunham priment sur tout autre

objectif ou vocation.

La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles encadre le mandat

de la CPTAQ et dicte les principes sur lesquels ses décisions doivent être prises.

Parmi les articles et paragraphes qui doivent faire l’objet d’une attention

particulière, mentionnons l’article 62 et en particulier les paragraphes 1 et 2 :

le potentiel agricole du lot et des lots avoisinants;

les possibilités d'utilisation du lot à des fins d'agriculture.

1

Pipe-Lines Montréal ltée. Octobre 2008. Projet d’inversion du pipeline de 457 mm entre Montréal-Est et

Highwater. Nouvelle station de pompage à Dunham. Demande d’autorisation à la CPTAQ – Expertise

agroforestière, dossier 359030. Préparé par le Groupe Conseil UDA inc.


Le Schéma d’aménagement révisé (2008) de la MRC Brome-Missisquoi2

brosse un portrait probant du dynamisme et de la diversité agricoles de

Dunham : en 2003, on y dénombrait 126 fermes, 62 producteurs de fruits et 80

éleveurs. Par ailleurs, la municipalité de Dunham est un pôle agrotouristique

majeur (avec plus d’une quinzaine d’établissements inscrits auprès

d’Agrotourisme Québec) et cette position doit être maintenue sinon renforcée.

Équiterre estime que ce qui suit justifie le refus de modifier en tout ou en partie, la

vocation agricole du lot convoité.

o Les lots retenus aux fins de la sélection du site préféré pour l’implantation

de la station de pompage présentent les potentiels les plus intéressants du

point de vue agricole dans la zone d’étude (classes de potentiel des sols 3

et 4, aux limitations modérées). Ce potentiel se doit d’être préservé dans sa

totalité compte tenu de la rareté de terres exploitables dans ce secteur de la

municipalité. Il y aurait également lieu de bien évaluer les opportunités

qu’offrent ces lots, notamment pour la culture de petits fruits et d’arbres

fruitiers. Dans son document d’orientation préliminaire (page 3), la CPTAQ

reconnaît elle-même que les sols de classe 3 et 4 offrent des possibilités

d’utilisation agricole intéressantes.

o Le projet de la station de pompage de Dunham entre apparemment en

conflit avec la priorité «…d’accorder la priorité aux activités et aux

entreprises agricoles en zone agricole dans une optique de développement

durable de la MRC» du Schéma d’aménagement de la MRC Brome-

Missisquoi. Un des objectifs de cette priorité est de «…stopper la perte de

sols agricoles en concentrant dans les périmètres d’urbanisation les

fonctions commerciales, industrielles et résidentielles».

o L’examen du dossier tenu par la CPTAQ pour le présent projet révèle les

préoccupations de plusieurs résidants du secteur pour les impacts que le

projet pourrait avoir sur le terroir agricole, notamment sur les risques de

contamination des eaux de surface et souterraine. Plus de 900 personnes

ont signé une pétition pour manifester leur opposition au projet. De surcroît,

quelques individus ont manifesté leur intérêt à exploiter le lot convoité.

2

MRC Brome-Missisquoi. Schéma d’aménagement révisé deuxième remplacement. Version adoptée le 20

mai 2008. Règlement 05-0508.

o Le terroir de la municipalité de Dunham, unique et d’une richesse

exceptionnelle, est particulièrement fragile et sensible à toute

contamination.

3.4. Les risques d’accident

Équiterre estime que la CPTAQ ne peut juger de façon adéquate des

risques que pose ce projet sur le territoire et les activités agricoles sans

disposer d’une analyse complète des risques d’accident (feux, fuites,

déversements, etc.) et sans informations sur l’efficacité des mesures et

dispositifs de prévention, de confinement et de réponse en situation

d’urgence environnementale.

Le PLMP a été construit au début des années 1940 lors de la Seconde Guerre

mondiale et est un des premiers pipelines transfrontaliers mis en opération au

Canada. Ce pipeline visait à assurer un approvisionnement sécuritaire et

ininterrompu aux installations de raffinage de Montréal. Initialement, le volume de

pétrole pouvant transiter dans les trois conduites du pipeline (12, 18 et 24 pouces

de diamètre) était de 550 000 barils par jour (b/j). Entre 1976 et 1982, le débit

total a été réduit de moitié à 270 000 b/j. En 2007, ce débit était d’environ 375

000 b/j. Selon le gouvernement du Québec3, les deux tiers des livraisons de

pétrole brut arrivent au Québec par pipeline et le reste par voie maritime.

Équiterre est d’avis que le promoteur n’a pas démontré que son projet est sans

risque pour l’environnement et que l’on peut assurer la protection intégrale du

territoire et des activités agricoles dans la zone d’influence du projet.

Le déversement accidentel qui s’est produit à la station de pompage de Saint-

Césaire en 1999 démontre que les équipements du PLMP ne sont pas infaillibles.

En effet, une centaine de barils de pétrole se sont déversés dans la rivière Sud-

Ouest, un affluent de la Yamaska.

Les ruptures de conduites et les déversements le long des pipelines sont

courants. On compte de nombreux incidents de déversements de quantités

importantes de pétrole sur des terres agricoles, partout en Amérique du Nord.

Par exemple, en 1999, une fuite sur le pipeline numéro 3 d’Enbridge Pipelines

3

Gouvernement du Québec (2006).

http://www.gouv.qc.ca/portail/quebec/pgs/commun/portrait/economie/ressourcesnaturelles/energie/?lang=fr)

inc. en Saskatchewan a causé le déversement de plus de 20 000 barils de

pétrole. Celui-ci a contaminé 3,6 hectares de terres agricoles, menaçant

également la nappe phréatique. Cet incident, à l’instar de nombreux autres à

travers l'Amérique du Nord, a été causé par une fissure de la conduire attribuable

à la fatigue par corrosion4.

Il y a lieu de se demander si l’âge des conduites et des équipements en

général du PLPM (plus de 65 ans) est susceptible d’augmenter les risques de

déversements ou de fuites, en particulier si son entretien a été négligé. La

corrosion interne et externe des conduites, l’usure des joints et l’affaiblissement

des matériaux sont des causes communes des cas d’accidents recensés au

Canada et aux États-Unis par les autorités réglementaires gouvernementales


� La Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration du

Department of Transport (DoT) des États-Unis compile des données

sur les incidents touchant les équipements de transport par pipeline5.

De 1986 à 2008, un grand total de 3 035 incidents a été recensé. Sur

2 882 incidents touchant des équipements terrestres (onshore) dont

la date d’installation était connue et impliquant les pipelines de la

catégorie hazardous liquid (pétrole, produits du pétrole ou

ammoniac), près des deux tiers (1 832) ont touché des équipements

vieux de 40 ans ou plus et 41% (1 201) des équipements de 50 ans

et plus. La moyenne d’âge des équipements était de 45 ans. Sur les

3 035 incidents, près du quart étaient liés à la corrosion et un peu

plus du tiers (412) des incidents sur les équipements de 50 ans et

plus sont attribuables à la corrosion.

􏰀 Pour la même période, le Bureau de la sécurité des transports du

Canada a recensé 317 incidents sur le réseau de pipelines

canadien

6

. Les fuites non confinées sur les canalisations

représentaient 13% de ce total alors les fuites de même type sur les

autres équipements (incluant les pompes) représentaient 72% de ce

total. Ces données ne détaillent pas le type de conduite (sur terre ou

dans l’eau), l’âge des conduites, le type de substance transportée ou

la cause des fuites.

4

Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Rapports d’enquête sur un accident de pipeline.

Rupture d'un oléoduc de pétrole brut. Enbridge Pipelines Inc. 20 mai 1999. Rapport numéro P99H0021.

5

Department of Transport, Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration.

http://primis.phmsa.dot.gov/comm/reports/safety/PSI.html

6

Bureau de la sécurité des transports du Canada. http://www.tsb.gc.ca/fra/stats/pipeline/index.asp.

􏰀 Dans un rapport publié en 2004, l’Office national de l’énergie

présente une analyse des ruptures de pipelines (gazoducs et

oléoducs) sous sa juridiction (pipelines transfrontaliers) pour la

période 1984-2004. La principale cause des ruptures recensées est

la détérioration des matériaux liée au temps7.

À la lumière des données consultées, il semble qu’une relation étroite peut être

établie entre l'âge du pipeline et la fréquence des bris, des ruptures et des

déversements.

Par ailleurs, le rapport du Groupe Conseil UDA inc. mentionne que le PLMP

comprend 2 conduites, une de 18 et une de 24 pouces. Or, dans un rapport qu’il

a préparé en 19838, l’Office national de l’énergie fait mention de l’existence d’une

conduite de 12 pouces.

Équiterre est d’avis que l’on ne peut évaluer adéquatement l’importance des

risques que ce projet comporte (déversements accidentels en particulier) pour

le territoire agricole sans information sur le nombre prévu de pompes et de

conduites en fonction, et donc des volumes de pétrole transitant dans le

pipeline en direction des Etats-Unis.

Ainsi, les informations suivantes devraient être présentées avant que la CPTAQ

puisse se prononcer sur l’acceptabilité du projet en toute considération des

enjeux de sécurité et des risques que représente l’exploitation d’une station de

pompage sur le territoire et les activités agricoles.

o Sur quels critères techniques, économiques et environnementaux repose le

choix de la fenêtre hydraulique?

o Rien n’indique, dans les documents consultés, si la fermeture de la conduite

de 12 pouces en 1982 est permanente ou si le promoteur a l’intention de la

rouvrir dans le futur, ni si les deux autres fonctionnent en permanence et

quel volume de pétrole y transite.

o Combien de pompes comptera la station de pompage, combien de

conduites sont vouées (ou pourraient être vouées) au transport de pétrole

vers Portland et comment ceci influe sur le choix de la fenêtre hydraulique?

7

National Energy Board (Dr. Franci Jeclic). 2004. Analysis of Ruptures and Trends on Major Canadian

Pipeline Systems. 10 p.

8

National Energy Board. 1983. Review of Portland – Montreal Pipeline System. 24 pages + annexes.


La fenêtre hydraulique a-t-elle été estimée uniquement pour l’inversion du flux de

pétrole dans la conduite de 18 pouces ou dans plusieurs conduites?

Vu la vétusté du PLMP et le grand nombre d’accidents et d’incidents bien

documenté au Canada et aux États-Unis pour ce genre d’équipement, Équiterre

considère que les risques potentiels posés au territoire agricole de la région par

le projet sont suffisants pour refuser la demande du promoteur. Si par ailleurs la

CPTAQ désirait malgré tout donner son aval, Équiterre est d’avis qu’elle devrait

exiger une évaluation de ces risques avant de prendre sa décision.

L’ensemble des informations suivantes est indispensable pour évaluer les risques

d’accident et l’importance d’éventuels déversements.

o Le type de pétrole qui voyagera dans la (les) conduite (s) (corrosivité et

composition – présence et concentration de diluants chimiques et de

produits tels le benzène, toluène et le xylène p.ex.), ni si cette (ces)

dernière(s) a (ont) été conçue(s) pour un tel produit et répond(ent) aux

normes de conception en vigueur.

Le type de pétrole l’on prévoit transporter dans le cadre du présent projet a

une teneur en soufre élevée (supérieure à 0,5%) et par conséquent un

potentiel corrosif plus important que d’autres types de pétrole. Dans son

rapport de 1983, l’Office national de l’énergie mentionne : «The rate of

internal corrosion, however, (which is virtually impossible to measure) may

be higher as a result of higher sulphur crude throughputs and increased

non-continuous operation».

o L’état de la (des) conduite(s) existante(s) qui sera (seront) raccordée (es) à

la station (quand a eu lieu la dernière inspection pour en connaître l’état) et

le programme d’inspection et d’entretien de celle(s)-ci.

o Les risques d’accidents (feux, explosions) ou d’incidents (fuites,

déversements, etc.) et les impacts en résultant mettant en relation le type

de pétrole, les volumes, la capacité des ouvrages de confinement, le temps

de réponse pour les interventions, etc.

o La présence à la station de pompage de produits dangereux, d’huiles, de

lubrifiants ou de carburants, les volumes utilisés et entreposés et la toxicité

de ces produits.

Les conséquences possibles d’une fuite ou d’un déversement résultant de bris

d’équipements à la station de pompage ou de ruptures des conduites (à proximité

de la station ou ailleurs sur le tracé) sur l’environnement doivent être évaluées de

façon exhaustive. Une attention particulière doit être portée sur les eaux de

surface et souterraines qui sont vitales tant pour les besoins domestiques et

agricoles que pour la qualité des eaux du bassin versant en général.

Dans son rapport de 1983, l’Office national de l’énergie fait état des difficultés

techniques associées à de faibles débits dans les conduites, aux baisses subites

de débit ou à un fonctionnement (ou flux) intermittent. On y mentionne que ces

situations peuvent entraîner la formation de flaques ou accumulations d’eau dans

les dépressions, la corrosion prématurée des conduites et éventuellement leur

éclatement. Il est donc primordial de connaître avec exactitude le mode

d’exploitation passé et projeté du PLMP.

Enfin, la CPTAQ note, dans son document d’orientation préliminaire, que le

Syndicat de l’UPA des Frontières «n’est pas prêt à donner son aval au projet

sans être rassuré quant à d’éventuels impacts environnementaux sur les lots

avoisinants de même que sur les entreprises agricoles de l’ensemble de la

municipalité».

Équiterre conclut que les informations déposées par le demandeur sont à tout le

moins insuffisantes pour permettre à la CPTAQ de prendre une décision en toute

considération de l’article 62 de la Loi sur la protection du territoire et des activités

agricoles.

4. CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET AGRICULTURE

Dans une lettre ouverte de Pipe-Lines Montréal ltée aux transporteurs et parties

intéressées dans le cadre de l’appel d’offres d’août 2008, on mentionne:

«Following reversal (anticipated to occur in the second quarter of 2010), PMPL

would allow the delivery of up to 128,000 barrels per day of western Canadian

heavy crude oil9 to South Portland, Maine. Approximately two years following

reversal, PMPL would accept both light synthetic and heavy grades of western

Canadian crude in a two stream operation, and would allow delivery of between

128,000 and 166,000 barrels per day

Le projet de construction et d’exploitation d’une station de pompage sur le

pipeline Montréal – Portland dans la municipalité de Dunham est donc

directement associé au projet Trailbreaker. Ce projet a été mis de l’avant par

Enbridge Pipelines inc. en 2008 et prévoit un certain nombre d’interventions sur

les réseaux de pipelines canadien et américain afin d’offrir un meilleur accès au

pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta aux raffineries de l’Est du

continent nord-américain et du golfe du Mexique. Ces interventions comprennent

l’inversion du flux du pipeline no.9 qui relie Sarnia (Ontario) à Montréal et du

PLMP. Une partie de ce pétrole, environ 80 000 barils par jour, pourrait être

raffiné dans les raffineries de Montréal-Est et les carburants produits consommés

ici même au Québec. Ce qui ne serait pas raffiné au Québec (environ 120 000

barils par jour, et possiblement plus) serait acheminé à Portland via le PLMP.

Équiterre s’oppose fermement à ce le Québec devienne complice de

l’exploitation d’un des pétroles les plus sales du monde en permettant à

une partie importante de celui-ci (près de 20% de la production journalière

actuelle des sables bitumineux de l’Alberta) de franchir les frontières du

Québec en vue d’être raffiné aux États-Unis.

Les Québécois sont de grands partisans du protocole de Kyoto et celui-ci

recueille environ 90% d’appui populaire. L’Assemblée nationale du Québec a

adopté deux motions unanimes sur l’appui du Québec au protocole et sur

l’urgence d’agir pour lutter contre les changements climatiques. Le Plan d’action

sur les changements climatiques 2006-2012 présente les actions que le Québec

compte mettre en œuvre pour réduire ou éviter les émissions de gaz à effet de

serre (GES) et préparer la province aux conséquences des changements

climatiques. Ce plan prévoit une réduction significative des émissions

québécoises de gaz à effet de serre.

L’exploitation des sables bitumineux entraîne de très sérieux impacts

environnementaux qu’il est difficile sinon impossible à atténuer. Par exemple :

9

.Le pétrole brut peut être catégorisé léger, moyen, lourd ou extra-lourd, selon sa densité. Le pétrole des

sables bitumineux peut être considéré comme un pétrole extra-lourd. Il subira une transformation

(upgrading) avant d’être acheminé vers les raffineries

o La production de chaque baril de pétrole nécessite l’apport de deux à cinq

barils d’eau. L’industrie est autorisée à puiser jusqu’à 349 millions de

mètres cubes d’eau par année dans la rivière Athabasca.

o Près de 40 000 kilomètres carrés de forêt boréale ont déjà été détruits ou

convertis en paysage industriel, soit une superficie plus importante que l’île

de Vancouver.

o L’industrie consomme près de 600 millions de mètres cubes de gaz naturel

par jour pour extraire ce pétrole, volume qui serait suffisant pour assurer le

chauffage de 3 millions de foyers canadiens.

o Chaque baril de pétrole produit résulte en l’émission de 80 kg de GES et

génère près de 240 litres de déchets toxiques.

En ce qui concerne les émissions de GES, l’exploitation des sables bitumineux

constitue le secteur industriel qui connaît, et de loin, la plus forte croissance de

ses émissions au Canada. Cette croissance explique d’ailleurs en grande partie

le 34% de retard accumulé du Canada sur les objectifs du protocole de Kyoto.

Également :

o Les émissions de GES résultant de l’exploitation des sables bitumineux

représentent 10% du total des émissions canadiennes.

o En raison notamment des grandes quantités d’énergie requise, on estime

que l’exploitation des sables bitumineux émet de trois à quatre fois plus de

GES que l’exploitation du pétrole conventionnel.

o L’intention de la seule compagnie Suncor de hausser sa production de

pétrole à 550 000 barils par jour d’ici 2012 représente une hausse

d’émissions de GES égale à la totalité des réductions que le Québec

propose de réaliser à la même échéance.

Les impacts sur le climat des émissions de GES lointaines (comme celles de

l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta) se font sentir à une échelle

globale. Le Québec subit déjà les conséquences de ces changements sur un bon

nombre d’écosystèmes, d’infrastructures et d’activités.

Ces impacts sont susceptibles de toucher, en particulier, l’agriculture (et la

sylviculture). Bien que la recherche en ce domaine débute au Québec et que

l’étendue et l’intensité des impacts sont incertaines, il semble d’ores et déjà que

l’on peut s’attendre aux conséquences suivantes10 11:

o La planification des opérations agricoles se compliquerait dû à la

prévisibilité générale du temps et du climat qui diminuerait.

o La variabilité climatique pourrait augmenter et exercer une pression

supplémentaire sur les systèmes agricoles fragiles (ou sur certaines

cultures telles la viticulture ou la pomiculture).

o Les modifications des modèles et de l’intensité des précipitations et du ratio

pluie-neige. Ceci est susceptible de se répercuter sur le ruissellement,

l’érosion des sols et la qualité de l’eau.

o Les événements climatologiques extrêmes (pluies diluviennes, canicules

p.ex.) entraîneront vraisemblablement des épisodes d’érosion intense et

des sécheresses. Les excès d’eau causés par les pluies diluviennes sont

susceptibles d’inonder les terres agricoles et de causer la perte de cultures.

o Les changements climatiques sont enclins à favoriser l’apparition et la

prolifération d’agents pathogènes, de mauvaises herbes et d’insectes

nuisibles ou ravageurs.

10

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Agriculture et changement climatique :

le rôle de la FAO. http://www.fao.org/Nouvelle/1997/971201-f.htm.

11

Bourque, A. et G. Simonet. « Québec », dans Vivre avec les changements climatiques au Canada : édition

2007. D.S. F.J. Warren, J. Lacroix et E. Bush (éditeurs). Gouvernement du Canada. Ottawa (Ontario), 2008.

pp. 171-226.

5. CONCLUSION

Étant donné que le projet de construction et d’exploitation d’une station de

pompage sur le PLMP à Dunham :

Présente une menace pour l’intégrité de l’environnement ;

Présente des risques potentiels réels de compromettre le potentiel

agricole du lot convoité et des lots adjacents et d’affecter les activités

agricoles;

Va à l’encontre du souhait de plusieurs citoyens de Dunham de

préserver cette terre agricole convoitée par Pipe-lines Montréal ltée et

de l’intention clairement exprimée par certains d’entre eux de l’exploiter

à des fins agricoles;

Va à l’encontre de la volonté maintes fois exprimée du Québec de

réduire ses émissions de GES et de contribuer à l’atteinte des objectifs

du protocole de Kyoto;

Va à l’encontre des stratégies et outils dont s’est doté le Québec pour

combattre les changements climatiques ;

Équiterre estime la CPTAQ ne doit pas autoriser le changement de

vocation du lot convoité par PLML pour son projet.

Équiterre est d’avis que la CPTAQ ne peut assujettir la protection du

territoire et des activités agricoles à des intérêts contraires aux objectifs

de développement durable dont elle doit faire la promotion.

Équiterre considère que permettre la réalisation d’un tel projet, signifiant

l’importation et le transit au Québec de pétrole extrait des sables

bitumineux de l’Alberta, est contraire aux choix collectifs du Québec.

RÉFÉRENCES

Bourque, A. et G. Simonet. « Québec », dans Vivre avec les changements

climatiques au Canada : édition 2007. D.S. F.J. Warren, J. Lacroix et E. Bush

(éditeurs). Gouvernement du Canada. Ottawa (Ontario), 2008. pp. 171-226.

Bulletin Trailbreaker Times numéro 1, septembre 2008.

Bureau de la sécurité des transports du Canada.

http://www.tsb.gc.ca/fra/stats/pipeline/index.asp.

Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Rapports d’enquête sur

un accident de pipeline. Rupture d'un oléoduc de pétrole brut. Enbridge Pipelines

Inc. 20 mai 1999. Rapport numéro P99H0021.

Commission de protection du territoire agricole du Québec. 21 novembre 2007.

Compte rendu de la demande et orientation préliminaire. Pipe-Lines Montréal

ltée.

Department of Transport, Pipeline and Hazardous Materials Safety

Administration. http://primis.phmsa.dot.gov/comm/reports/safety/PSI.html

Équiterre. Rapport annuel 2007. 23 p.

Équiterre. 2007. Choisir l’avenir : se choisir. Mémoire présenté à la Commission

sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois. 92 p.

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Agriculture et

changement climatique : le rôle de la FAO.

http://www.fao.org/Nouvelle/1997/971201-f.htm.

MRC Brome-Missisquoi. Schéma d’aménagement révisé deuxième

remplacement. Version adoptée le 20 mai 2008. Règlement 05-0508.

National Energy Board. 1983. Review of Portland – Montreal Pipeline System. 24

pages + annexes.

National Energy Board (Dr. Franci Jeclic).. 2004. Analysis of Ruptures and

Trends on Major Canadian Pipeline Systems. 10 p.

Pipe-lines Montréal ltée. Octobre 2008. Projet d’inversion du pipeline de 457 mm

entre Montréal-Est et Highwater. Nouvelle station de pompage à Dunham.

Demande d’autorisation à la CPTAQ – Expertise agroforestière, dossier 359030.

Préparé par le Groupe Conseil UDA inc.


1 commentaire:

  1. Les répercussions advenant un bris pourront se faire sentir bien au-delà des stations de pompage. La station de Dunham sera construite selon les normes les plus élevées à ce jour pour ce type de station. À mon avis, ce n'est pas là que le bât blesse. Le pipeline peut crever à 1/2, 1, 2 km après la station, même près de la station neuve à Dunham si le projet se concrétise. LE PROBLÈME, C'EST LE TUYAU dans son ensemble. Et notre force de mobilisation pour les semaines à venir est là.

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